Il se lie avec Picasso en 1905. Il admire les compositions du peintre qu’il fréquente fidèlement au Bateau-Lavoir dont il est un habitué. Picasso n’y invite pratiquement que ses amis espagnols. Son cercle s’est déjà élargi avec Max Jacob et André Salmon, mais la présence enjouée de Guillaume Apollinaire lui fait du bien. Celui-ci publie dans des revues qui n’ont pas encore pignon sur rue mais son nom circule déjà et son indéniable talent pour transformer n’importe quelle platitude en beauté poétique lui ouvre des portes.
Guillaume Apollinaire va introduire Picasso dans la vie intellectuelle parisienne des gens de leur génération.
Apollinaire est parfaitement en phase avec l’histoire et la révolution esthétique qui donnera naissance à l’art moderne et se trouve à la tête de toutes les avant-gardes. Son premier texte sur Picasso est publié dans La Revue immoraliste en 1905. Texte qu’il reprendra dans La Plume du 15 mai de la même année. « C’est un compte rendu de l’exposition de Picasso à la galerie Serrurier où il révélait ce que l’on appellera plus tard sa “période rose”, c’est-à-dire ses périodes d’arlequins. Picasso y découvrit une transcription d’autant plus précieuse pour lui qu’à l’époque il ne vendait rien. »[1] « On dit de Picasso que ces œuvres témoignaient d’un désenchantement précoce. Je pense le contraire. Tout l’enchante et son talent incontestable me paraît au service d’une fantaisie qui mêle justement le délicieux et l’horrible, l’abject et le délicat[2] » : Guillaume Apollinaire devenait en quelque sorte le premier théoricien de Picasso. Apollinaire se place au cœur des débats esthétiques à l’origine de la poésie moderne et sera essentiel dans la théorisation du cubisme.
[1] Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, « Apollinaire », éditions Robert Laffont, 1995, p. 24-25.
[2] Guillaume Apollinaire, « Picasso, peintre et dessinateur (galeries Serrurier), dans Œuvres en prose complètes, textes établis, présentés et annotés par Pierre Caizergues et Michel Décaudin. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1993, t. II, p. 78.