Robert Desnos, poète résistant

Robert Desnos a rencontré Picasso pendant les périodes Dada et surréaliste, plus vraisemblablement en novembre 1925, lors de l’exposition collective Peinture Surréaliste qui se tient à la galerie Pierre. Desnos est le seul poète à y participer et il expose ses dessins. Car Robert Desnos s’essaie aux multiples facettes des modes d’expression surréalistes. Pour Michel Leiris, « Robert Desnos était capable de parler surréaliste, faisant jouer dans le discours oral la même soumission à un quasi-automatisme que les autres adeptes se plaisaient à faire jouer dans le discours écrit. » Très curieux et amateur des moyens modernes de communication, qu’il n’hésite pas à utiliser pour développer son talent pour l’improvisation, Desnos est un pionnier de la radio, dont il explore les multiples possibilités après sa rupture fracassante avec André Breton à la fin des années 1920.

 

Robert Desnos s’intéresse à l’Espagne et son engagement antifranquiste rapproche les deux artistes. « Ah que se passe-t-il en Espagne/ Pourquoi est-ce que je suis là et las/ Qu’est-ce que je fous ici ? » écrit-il dans l’un de ses carnets[1] Mais c’est pendant l’Occupation que leurs relations deviennent vraiment amicales et soutenues. Desnos et sa femme Youki fréquentent la bande d’artistes qui se retrouve au Catalan, le restaurant de la rue des Grands-Augustins sis en face de l’atelier de Picasso, ou aux Deux-Magots, à Saint-Germain-des-Prés.

 

Démobilisé en 1940, fermement décidé à combattre le nazisme, Desnos a rejoint la rédaction d’Aujourd’hui, nouvellement créé et dirigé par son ami Henri Jeanson. Après le renvoi de celui-ci, Desnos décide tout de même de rester et devient le critique musical du journal passé sous la coupe de l’occupant. En 1942, il s’engage plus avant dans la Résistance, devient l’Agent P2 du réseau Agir et publie clandestinement des poèmes sous pseudo (Lucien Gallois, Valentin Gallois, Pierre Andier, Cancale…)[2]. Parfois, il cache mal ses opinions, allant jusqu’à gifler publiquement un journaliste de Je suis partout !

 

Picasso illustra d’une eau-forte le recueil du poète, Contrée, à la fin de l’année 1943, qui parut en 1944 (chez Robert J. Godet, qui a déjà édité État de veille, en 1943). Desnos publie également aux Éditions de Minuit, fondées par Pierre de Lescure, Yvonne Desvignes, imprimées clandestinement par Ernest Aulard. Desnos et Picasso habitent le même quartier, se fréquentent beaucoup, et Desnos entreprend d’écrire sur l’artiste, qu’il admire et dont il décrit « le monde merveilleux qu’il ne cesse d’enfanter de ses mains » dans lequel « il se meut avec aisance » avec « une exigence de liberté qui ne saurait tromper ».[3] Picasso connaît les opinions politiques de son ami, sans savoir exactement l’ampleur de son engagement dans la Résistance et l’enjoint à quitter la rédaction d’Aujourd’hui, journal ouvertement collaborateur.

 

Le 19 février 1944, Desnos se rend une dernière fois à l’atelier de Picasso : trois jours plus tard, il est arrêté par la Gestapo. Le peintre fut très affecté à l’annonce de son arrestation. De Compiègne, Robert Desnos est déporté à Auschwitz, puis à Buchenwald, Flossenburg et Floha. Il fera partie des convois de déportés, forcés de parcourir à pied des kilomètres jusqu’à l’épuisement et pour beaucoup la mort, lorsque les SS fuient l’avancée des troupes russes et les bombardements alliés. Il arrive à Terezin, près de Prague, le 7 mars 1945.

Très diminué physiquement, il décède le 8 juin 1945, quelques jours après la libération du camp.

 

[1] Les Sources de la nuit, carnet n°4, 24 juillet 1936.

[2] Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, Éditions Seghers, réed 2022, p. 212-213.

[3] Robert Desnos, citations extraites de l’introduction de Seize Peintures (1939-1943), citées par Peter Read in Cahier Pablo Picasso, Éditions L’Herne, 2014, p. 288.

Illustration pour l'ouvrage Contrée de Robert Desnos, publié en 1944. Robert-J. Godet éditeur, 1944. Paris, musée national Picasso-Paris.