L’art comme acte politique et cri d’indignation
Eluard s’engage encore davantage en politique et écrit un poème, Novembre 1936, publié dans L’Humanité le 17 décembre. L’engagement de son ami a-t-il influencé Picasso ? Ce dernier grave une bande dessinée Sueño y mentira de Franco, le 8 janvier 1937. Le récit poignant de José Bergamin aux Cahiers d’Art sur les bombardements de Madrid, d’une violence inouïe contre des populations civiles, ébranle les deux amis. Ils sont une nouvelle fois bouleversés par les bombardements de Guernica le dimanche 26 avril, jour du marché, qui font 1654 morts et 889 blessés. Dora Maar, qui appartient à la gauche surréaliste, très politisée, immortalisera Guernica, le célèbre tableau que Picasso créa à ce moment-là alors que de son côté, Eluard écrit son poème Victoire de Guernica. À partir de 1937, l’amitié entre Eluard et Picasso est renforcée par la même conception de l’art comme acte politique et cri d’indignation. Picasso, sans être alors politiquement « engagé » ou formellement surréaliste, n’en est pas moins, à la fin de 1935, un artiste qui se sent fondamentalement antifasciste. Et face au fascisme ennemi, l’art est un moyen de résister. C’est même un devoir pour le peintre.
Eluard, tout comme Breton, s’intéresse aux recherches de Picasso, qui, pour eux, ont affaire avec le surréalisme alors que pour le peintre, il s’agit plutôt de nouveaux essais de création.
À l’été 1937, Nusch et Paul Eluard partent pour Mougins. Picasso dessine et peint Nusch durant cette période estivale, comme il l’avait déjà fait l’année précédente. Nusch (née Maria Benz, née en 1906) a rencontré Eluard en 1930, après sa séparation d’avec Gala, lors d’une promenade nocturne avec Aragon et René Char. C’est une enfant de la balle, acrobate, artiste, sans emploi et sans le sou, qui survit tant bien que mal comme figurante au théâtre du Grand-Guignol. C’est la mort qui séparera les deux époux, Nusch devant décéder brutalement en 1946, à l’âge de 39 ans, d’une attaque cérébrale. Eluard fut dévasté par ce décès tragique. Mais Picasso, lui aussi, fut très douloureusement marqué par cette disparition. Nusch, modèle et égérie des surréalistes (notamment de Man Ray), avait une personnalité attachante et singulière. Elle avait su séduire le groupe d’amis et y trouver sa place.
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