Selon Mirò, « l’œuvre de Picasso a été un bilan, une révision de toute l’histoire de l’art, en fin de compte une analyse. Il nous a permis, à nous qui venions après lui, de trouver les portes ouvertes. » Le légendaire Picasso est pourtant devenu, au fil du temps, une sorte de mythe, au détriment de la connaissance de son œuvre. Il est l’artiste dont le nom est synonyme, pour le public, de ce que l’art moderne a de plus démesuré, dont l’œuvre n’en finit pas de réserver des surprises et d’exiger de nouvelles interprétations.
Le personnage intrigue, l’œuvre divise, l’engagement politique prend le pas un temps sur l’engagement esthétique. Picasso, travailleur infatigable, à la personnalité complexe, a fait couler beaucoup d’encre et a aussi été l’objet de beaucoup d’a priori. On admire ou on rejette, c’est selon, sa pensée, son esthétique, sa métaphysique, qui sont de l’ordre de l’insurrection. Son caractère énigmatique a participé à la construction de sa légende, bien au-delà de son œuvre. Malraux ne disait-il pas, à son sujet, « j’ai connu Picasso, mais je n’ai pas connu Pablo » ? Michel Leiris, dans le catalogue de l’exposition de la dation (Grand Palais, 1979) – qui devait aboutir à l’ouverture du musée en 1985 –, écrivait sur le peintre : « Une erreur que certains n’hésitent pas à commettre consiste à appliquer à Picasso, dans un sens assez particulier, la vieille notion antinomique du beau et du laid, opposés comme le jour et la nuit. […] Sous prétexte que Picasso s’est insurgé contre les canons académiques, on le loue de s’être attaqué à l’antique beauté, fade, froide et idiote comme une nymphe de square, et d’avoir inventé des formes inquiétantes et monstrueuses. […]
Des membres humains, des têtes humaines, des paysages humains, des animaux humains situés dans une ambiance humaine, voilà ce qu’en définitive et en dépit de certaines apparences, on trouve chez Picasso. Jamais jusqu’à lui l’homme n’avait aussi fortement affirmé, dans le domaine artistique, ce qui fait sa nature et son humanité.