Un atelier de Picasso: les Grands Augustins

Picasso s'installe dans cet atelier en 1937 où il occupe les deux derniers niveaux de cet hôtel particulier du XVIIes. A peine installé, il travaille à un grand tableau que le gouvernement espagnol lui a commandé pour son pavillon à l'exposition internationale de Paris mais le 26 avril 1937, la ville basque de Guernica est bombardée. La ville est détruite et les victimes sont des civils, la presse dans le monde se fait l'écho de ce massacre et dès le 1e mai, Picasso bouleverse son projet initial et commence à élaborer la composition de cette grande toile de plus de sept mètres de long dont la genèse nous ai connu grâce aux photographies de Dora Maar. Un mois plus tard le tableau est installé dans le pavillon espagnol.

Cet atelier sous les toits, qui fut occupé par une compagnie de théâtre fondée par Jean-louis Barrault, est l'endroit que Balzac choisit pour y situer l'intrigue de son livre »Le Chef d'oeuvre inconnu», c'est dans cet atelier que le peintre Frenhofer, emporté par sa quête absolue de la création, s'enferme pour peintre son chef d'oeuvre. Picasso qui avait illustré ce roman par une série de 12 gravures à la demande du marchand Ambroise Vollard en 1927, ne pouvait que succomber à la tentation de s'y installer. Il y resta pendant l'occupation, ne quittant jamais Paris malgré les privations et la suspicion à son égard, son travail ayant été répertorié comme Art Dégénéré en Allemagne.

Mais dès 1946, la Méditerranée attirera de nouveau Picasso, et le grenier parisien sera peu à peu déserté pour Antibes, Vallauris puis Cannes et Mougins.

Brassai, dans son ouvrage «Conversations avec Picasso» nous décrit la découverte de l'atelier «Je connaissais déjà la demeure patricienne du XVIIème siècle du n° 7 et les deux étages supérieurs devenus l'atelier de Picasso. Avant lui, Jean-Louis Barrault y répétait des pièces de théâtre; et j'avais assisté parfois dans le "grenier Barrault" à ces séances. C'est d'ailleurs l'acteur qui avait signalé à Picasso ces curieux locaux disponibles, et celui-ci fut aussitôt séduit. En plus vaste, ils lui rappelaient le Bateau- Lavoir, dont secrètement il garda toute sa vie la nostalgie. Il pouvait y avoir l'impression d'être à l'intérieur d'un navire avec ses passerelles, ses soutes, sa cale», puis en 1942 «depuis ma dernière visite il y a du changement: la grande entrée est condamnée, on monte maintenant au ''grenier'' par un étroit escalier en colimaçon dont les marches usées, boiteuses, et l'obscurité rappellent celui de la tour de Notre-Dame. On grimpe; on grimpe, on passe devant l'entrée de l'Association des Huissiers de la Seine'', propriétaire de l 'immeuble: on grimpe encore dans la pénombre jusqu'à un ICI gigantesque tracé par Picasso sur un bout de carton désignant le bouton de la sonnette».

En 1966, le propriétaire demandera à Picasso de quitter définitivement les lieux et tous les objets, livres, peintures et dessins seront envoyés à Mougins.


Le Grenier des Grands-Augustins appartient toujours à La Chambre des Huissiers de Justice de Paris qui a accepté de le mettre gracieusement à la disposition du C.N.E.A. (comité national pour d’éducation artistique)

Une fenêtre d'atelier, 1943 Jerusalem, Israel museum of Art