Entre février en avril 1917, Picasso se rend à Rome avec Jean Cocteau, et ce voyage va profondément, durablement, transformer sa vie. Il visite Rome, Florence, Milan et par deux fois Naples, en mars et en avril. Ce voyage en Italie aura des incidences évidentes sur ses créations futures. Jean Cocteau et Picasso travaillent ensemble au projet de ballet Parade, dont la chorégraphie est signée Léonide Massine sur une musique d’Erik Satie, avec les Ballets russes, dirigés par Sergei Diaghilev. Picasso tient régulièrement informé Apollinaire de son voyage et de ses découvertes. Comme Apollinaire, il s’intéresse aux cultures populaires (le cirque, les marionnettes), aux formes artistiques oubliées, mal considérées, voire méprisées. Il est certain qu’ils ont pu échanger au retour du peintre. Picasso a pris un immense plaisir, en effet, à découvrir Naples, ses commerçants, ses coutumes et ses traditions. De même, les deux artistes ont en commun un intérêt manifeste pour l’histoire, qu’elle soit culturelle, artistique ou littéraire, mixée avec une envie viscérale d’appartenir au cercle des avant-gardes. « Apollinaire s’intéresse aux marges de l’art pour mieux les intégrer dans la modernité, dont les manifestations extraordinairement diverses se placent sous la bannière commune de l’originalité : si sa critique se veut hétéroclite, c’est que les formes d’art qu’il défend le sont aussi. »[1]
En 1918, ils se marient tous deux et chacun sera le témoin de l’autre. La guerre, avec ses tourments et la séparation interminable, les a rapprochés comme jamais.
Le 9 novembre, Guillaume Apollinaire est emporté par la grippe espagnole. Picasso vient de perdre son ami le plus cher. Personne ne remplacera jamais le poète dans ses amitiés.
[1] Apollinaire, le regard du poète. Catalogue d’expo, musée d’Orsay et de l’Orangerie, 6 avril-18 juillet 2016. Texte de Claire Bernardi, « Apollinaire, le regard en liberté », p. 57.