« PAB », éditeur et poète.

Pierre André Benoit, dit « PAB », a 35 ans et Picasso 75 quand a lieu leur première rencontre en 1956. Né en 1921 à Alès et mort en 1993 sans avoir quitté sa région natale, cet esthète entièrement voué à l’art, aux livres et à la poésie a réalisé dix-sept livres avec Picasso. C'est sa rencontre avec Michel Seuphor à Anduze en 1942 qui se révèlera décisive pour ses choix de vie, après avoir été tenté par la prêtrise. Par l’intermédiaire de ce mentor, il se passionne pour l’édition et l’impression. Seuphor l’aidera à définir une ligne éditoriale qui produira plus de 900 livres avec des artistes majeurs du XXe siècle.

PAB opte pour une conception radicale de la production, mêlant technicité et artisanat et bien différente de celle des autres éditeurs. C’est un imprimeur dans les règles de la tradition mais inventif, adroit et sensible. Il s’attache au rendu et aux nuances, sans traduction ou interprétation, pour parfaire le tirage de l’œuvre qui sera signée par l’artiste.

Picasso, toujours en quête de de résultats inattendus ou d’idées nouvelles, se lie d’amitié avec PAB, qui a tout de même mis dix ans pour le rencontrer !

PAB propose au peintre des textes de René Crevel, Tristan Tzara, René Char et bien d’autres et il parvient à le séduire avec des techniques innovantes : le celluloïd, puis la cartalégraphie (estampe obtenue avec un morceau de carton déchiré à la main ou découpé avec des ciseaux, encré et appliqué sous pression sur le papier. Chaque épreuve est donc presque unique et il ne peut y avoir qu’un faible tirage). Il contacte inlassablement Picasso et insiste dans ses courriers : « voyez si mon projet vous chante » lui écrit-il le 7 mai 1958, en lui adressant le poème L’Escalier de Flore de René Char.

PAB et Picasso se rencontrent enfin à La Californie, à l’occasion d’Autre chose en préparation. L’éditeur reçoit en effet deux matrices gravées (directement dans sa boîte aux lettres, sans mot d’accompagnement !), réalise le livre puis se rend chez l’artiste, à l’invitation de celui-ci. Nous sommes en 1956, il a attendu et espéré ce moment… depuis 1947… Leur collaboration durera jusqu’au décès de Picasso.

PAB est un homme discret, modeste et chaleureux. Il aime la simplicité, l’épuré, le style et l’élégance, ce qui se retrouve dans la fluidité tranquille de son travail avec les auteurs et les artistes. « Rien n’est plus difficile que le simple, qui lui est silencieusement éloquent », écrit-il en préface d’un livre. Une seule typographie, le Garamond, un penchant pour le vélin blanc, des mots de tous les jours couchés sur le papier et un immense respect pour les autres. PAB a fait don de sa collection à la ville d’Alès, ou un musée très actif, qui perpétue son travail, porte son nom, et à la BNF, où le travail de cet éditeur hors normes a été minutieusement inventorié par Antoine Coron.

Avec lui, Picasso préféra travailler le celluloïd, qui correspond davantage à son tempérament. En 1960, PAB écrit : « Phénomène de la présence, Picasso exprimait à son insu mon plus secret sentiment et à mon tour je l’ai décelé dans un poème. En se quittant, il me dit merci. Mais pourquoi ? C’est moi soudain muet qui aurais dû le lui dire cent fois. Le poète si démuni soit-il, au-delà d’un talent plus ou moins heureux, par lui-même fait-il un don ? »

PAB réalisa un ouvrage posthume en hommage à Picasso en 1974. Il s’agit d’Alors, avec les cartalégraphies d’Homme au chapeau que Picasso avait signées en 1967.

 

Le musée-bibliothèque Pierre André Benoit (PAB) a été inauguré le 14 janvier 1989. Il a été créé grâce à la donation de ses collections par l’imprimeur à la Ville d’Alès en 1986.

La Rose et le chien, poème perpétuel de Tristan Tzara, sera considéré comme un chef d’œuvre de l’édition.

Carole Hyza, « Sur le chemin des livres avec Picasso », p. 72, in cat. expo Picasso et le livre d’artiste, Bernard Chauveau Édition, 2018.

Poème de Pierre André Benoit, 1956, accompagné d’une gravure de Picasso, tirée en noir, bleu ou rouge, selon les exemplaires.

Préface à 111 Petites reliures, cité par Anne Lamort, « Éloge de la simplicité, Pierre André Benoit (1921-1993) », p. 6, in Tajan, collection Pierre André Benoit, 2015.

« Les livres de Picasso réalisés par Pierre André Benoit », p.8, in cat. expo, Picasso graveur chez l’éditeur Pierre André Benoit, Éditions La Malmaison, Cannes, 2003.

Picasso : Deux Hommes
Picasso : Deux Hommes.
Daté en bas au centre « Le 22.3.61. »
En bas à gauche « Pour l'ami P.A.B./Picasso/Le 22.3.61. »
Alès, Musée-bibliothèque Pierre-André Benoît.
© Succession Picasso 2020