Chouettes et échassier
Le 15 août 1947, Picasso dessine au crayon, sur un feuillet de papier, trois études de poteries en forme de chouette.[1] Ces dessins montrent des vases posés en travers d’un socle cylindrique et munis d’une ou deux ouvertures, une correspondant à la tête tandis que l’autre forme la queue de l’oiseau (fig. 14). Il s’agit d’esquisses pour des œuvres plastiques qui sont obtenues par le seul assemblage de poteries ou de leurs éléments, sans intervention de l’artiste en termes de modelage. Picasso s’efforce de trouver une forme convaincante au niveau esthétique mais disposant également de propriétés physiques pour qu’elles puissent être équilibrées et tenir debout.
De nombreuses variantes de la chouette, reposant sur les deux formes anticipées dans les esquisses de gauche et de droite de cette feuille, ont vu le jour vers 1950-1951 (fig.15, 16) et ont également été réalisées en plusieurs éditions d’après les prototypes fabriqués de la main de Picasso en pièces uniques.
Dans les croquis à la plume et à l’encre de Chine d’un autre feuillet inédit du 12 septembre 1947, se trouvent d’autres importants développements in nuce de formes de la céramique de Picasso : tout d’abord, on peut apercevoir sur la plus petite esquisse de la feuille encore une réminiscence des chouettes avec le corps en biais – ici formé par un cylindre – sur un socle élevé, puis une forme de la femme, moins étirée que sur les dessins du 29 juillet, avec les bras signifiés par des anses orientées vers le bas du corps. Ce croquis préfigure la grande série de femmes-vases façonnées à partir de fin 1947 par le remodelage de bouteilles d’argile de la production courante de Madoura, avec les bras modelés et collés par Picasso et peintes par lui-même en de nombreuses et diverses variantes (fig.12). Le feuillet du 12 septembre 1947 est dominé par une troisième et nouvelle forme composée de deux ovoïdes superposées avec un petit goulot dans la partie supérieure, tenues en équilibre par deux anses précaires (fig. 17). Cette figuration sera reprise et développée par un processus de série, de variations et de métamorphoses de la forme d’oiseaux représentés sur des dessins préparatoires entre le 12 et le 30 septembre 1947[2] montrant, dans la série des croquis du 30 septembre 1947, des agencements des formes ovoïdes superposées et qui aboutiront finalement à la réalisation, fin 1947 ou au début de 1948, de la grande sculpture de l’Échassier au Musée Picasso d’Antibes (fig. 18-19).
Cette réalisation, assemblage constructif en équilibre précaire, a constitué une prouesse technique pour Picasso et l’équipe de Madoura. La réduction totale des moyens expressifs, sa forme d’une élégance haptique dépouillée dégageant un air solennel et la décoration à l’engobe et aux oxydes oscillant entre les modèles de la peinture sur vases antiques à figures noires et rouges lui assure une place exceptionnelle dans l’œuvre céramique de Picasso.
[1] Il existe un autre feuillet avec des études pour des chouettes similaires dans la collection Pépita Dupont, voir : catalogue de l’exposition Picasso et les animaux – Oeuvres céramiques et graphiques, Cercle Cité, Luxembourg, 2016, cat. 40.
[2] Succession Picasso, Inv. 11618, 11625.
Crayon sur papier
Collection particulière. © Succession Picasso 2020.
Terre de faïence blanche, décor gravé, rapporté et peint aux engobes et aux oxydes sous couverte colorée (alquifoux).
Musée Picasso, Antibes © ImageArt, photo Claude Germain
© Succession Picasso 2020.
Vase tourné en terre blanche (faïence) cuit, décor oxydes et gravé sur émail blanc.
Collection privée
© Succession Picasso 2020.
Encre de Chine Collection particulière.
© Succession Picasso 2020
Encre de Chine. Collection particulière.
© Succession Picasso 2020.
Terre de faïence blanche, décor peint aux engobes et aux oxydes.
Musée Picasso, Antibes © ImageArt, Photo Claude Germain.
© Succession Picasso.
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