Deux feuillets avec des croquis de différentes tailles à l’encre de Chine, datés par Picasso dans les angles gauches supérieurs du 1er novembre 1947, sont couverts d’une multitude de croquis également de tailles différentes, retravaillés avec des raturages montrant différents croquis pour vases et cruches, la plupart du temps avec des socles, parfois composés par association de boules et d’ovoïdes, une sorte de variantes tardives de la forme de l’Échassier (fig.20, 24). La majorité des croquis est dédié à de nouvelles formes : dans le registre inférieur du premier feuillet, on peut voir trois préfigurations du Pot zoomorphe, réalisé avant la parution du numéro spécial Picasso de la revue Cahiers d’Art en 1948 et dans lequel il est reproduit[1] (fig.21). Il s’agit d’un pichet à vin, peint en blanc sous couverte et patinée.
Dans le cas du Cavalier, le pichet à vin provençal se voit réinterprété par la peinture en une figure humaine montant un cheval cabré (fig. 22). Picasso a peint le cheval à l’engobe noir sur toute la surface du corps ovoïde et l’a complété par des incisions surlignées de blanc. Le cavalier se comprend ici comme une cavalière : les deux points peints en noir et cerclés de blanc peuvent en effet s’interpréter comme deux seins. Le buste est signifié de façon plastique par le goulot, et la tête par un visage peint, tandis que les jambes et les pieds éperonnés ont été peints sur la panse du récipient. Des traits bruns et noirs sur fond blanc, à l’extrémité de l’anse, figurent les mains, qui enserrent le corps du vase comme si elles tenaient des rênes invisibles.
En bas de l’autre feuillet du 1er novembre 1947 (fig.24) se trouve le croquis anticipant le « centaure » (fig.25). Il s’agit d’un assemblage hybride sculptural sur socle avec des éléments utilitaires, à l’image d’un récipient dont le corps ovoïde est monté sur des anses en forme de tiges qui représentent les pattes. Sa forme a été préparée sur les dessins du feuillet du 29 juillet 1947, et particulièrement l’esquisse de la deuxième rangée à droite. (fig.6).
Comme avec la Faunesse, Picasso crée avec ce centaure une sculpture dont un petit vase sur le dos et l’anse circulaire indiquent une hypothétique fonction comme récipient qui était probablement encore envisagée à l’état de l’ébauche (fig.24). Cette fonction n’est pourtant pas réelle, elle reste iconique et dépourvue de fonction utilitaire dans le contexte d’une sculpture montée sur socle, qui, en plus, existe également en deux versions en bronze (fig.25).
Sur la même feuille avec les deux croquis du centaure, se trouve également, à gauche, une petite étude préparatoire du vase Oiseau de 1947-1948 (fig.26) avec sa grande anse ellipsoïde et son long bec incurvé signifiant le cou et la tête de l’animal peint en réserve à la paraffine, à l’engobe et à l’émail.
[1] Cahiers d’Art, XXIII/1, 1948, p.18, voir aussi catalogue de l’exposition Picasso et la Méditerranée, op. cit., cat. 141.