La troisième génération de la famille Dudensing et le dernier fils d’Henri Matisse

La F. Valentine Dudensing Gallery a ouvert le 8 février 1926, à 43 East 57th Street, avec une exposition de l’œuvre de Tsuguharu Foujita, la première de l’artiste aux États-Unis. Son travail était connu à Paris où vivait l’artiste japonais mais pas tellement à New York. L’exposition fut néanmoins un succès, sans doute grâce à la presse abondante que suscitait la nouvelle galerie. Les critiques répondirent aussi bien au travail de Foujita qu’à la nouvelle décoration austère de la galerie : des murs gris pale, des sols nus, et une abondante lumière naturelle entrant depuis les grandes fenêtres orientées vers le sud. Un critique écrivit que Dudensing était « le premier marchand à décorer sa galerie en harmonie avec les tableaux » et nota que cette galerie, « décorée dans l’esprit moderne », était sur le modèle des galeries en France et en Allemagne[i]. De plus, le partenariat Dudensing-Matisse était une nouvelle importante.

En 1926, la famille Dudensing était connue à New York ; Valentine appartenait à la troisième génération à travailler dans l’art. Son grand-père, Richard Dudensing, émigra d’Allemagne en 1853 et était un graveur et imprimeur à succès. En 1904, son père, Frank Dudensing, ouvrit Richard Dudensing & Son, une galerie spécialisée dans les tableaux et les aquarelles de l’école de Barbizon et le travail de jeunes artistes américains. Le nom de Pierre Matisse attira naturellement l’attention car il était le plus jeune fils du célèbre artiste. La demande pour l’art moderne européen augmentait à New York au milieu des années 1920, le monde de l’art avait donc hâte de voir ce que ce partenariat allait produire.

Le programme de la galerie alternait entre les expositions d'art français contemporain, organisées avec l’aide de Matisse, et les expositions d'artistes américains organisées par Dudensing. Pendant les premières années, le marchand vendit des œuvres de Giorgio de Chirico, André Derain, Raoul Dufy, Marie Laurencin, Jean Lurçat, Henri Matisse, Henri Rousseau, et André Dunoyer de Segonzac, ainsi que d'artistes américains : Louis Eilshemius, Robert Laurent, et Joseph Stella.

Matisse eut un rôle essentiel dans le succès de la renommée de la Valentine Gallery. Ses connexions dans le monde de l’art l’ont aidé à obtenir des œuvres importantes. Nombre d'entre elles, une fois livrées à New York, restèrent aux États-Unis et se trouvent aujourd’hui dans des musées. En raison de la qualité des œuvres que Matisse obtenait, les collectionneurs, établis ou novices, étaient attirés par la galerie et la réputation de Dudensing se développa rapidement. C’était un vendeur doué qui enseignait à ses clients comment regarder les tableaux. Certains éminents collectionneurs ont souligné le rôle important qu'il a joué dans la formation de leurs collections.[ii]

 

[i] “Valentine Dudensing Opens New Galleries,” (journal non identifié), Valentine Gallery records, Archives of American Art, Smithsonian Institution.

[ii] Entretiens de Ralph F. Colin, 15 août 1969, et Henry P. McIlhenny, 28 octobre 1974, réalisés par Paul Cummings. Archives of American Art, Smithsonian Institution. Dans son autobiographie, Roy Neuberger l’appelle « l’un des marchands les plus sages du XXe siècle » et remarque qu'Alfred Barr considère que Dudensing « pourrait bien être le plus grand marchand ». Roy R. Neuberger avec Alfred et Roma Connable, The Passionate Collector : Eighty Years in the World of Art (Hoboken, NJ : John Wiley & Sons, Inc., 2003), 74.

Valentine Dudensing, 1937.
Valentine Dudensing, photographie de Carl Van Vechten, 1937.