Lloyd Goodrich, de Arts, fit remarquer qu'il avait entendu les peintures récentes appelées les « extractions de Picasso ». Il les décrivit comme « des visions extraordinaires de formes grotesques rappelant un cimetière, faisant penser à des os pelviens, des côtes, des clavicules, des dents... Ils ont suffisamment de traits évoquant l’anatomie humaine pour être intrigants d'une façon freudienne, et même un peu horrifiante. »[i] Un auteur anonyme d'Art Digest remarqua : « Même les critiques d'art bolcheviques de New York ne pouvaient pas digérer l’exposition sans un certain effort. »[ii] Dans le Brooklyn Daily Eagle, le critique observa :
L’exposition met l’accent sur les abstractions de 1930, cette phase semi-surréaliste déconcertante que même certains des plus grands admirateurs de Picasso admettent qu’elle les dépasse. C'est assez semblable pour l’écrivain... Si le nom magique de Picasso n'était pas attaché à ces toiles (sic)... s'il n'y avait pas cette peur qu'une phase nouvelle et déroutante les surprenne sans la sensibilité requise, ces toiles récentes n’auraient sans doute pas reçu les éloges singuliers entendus le premier jour.[iii]
Le New York Evening Post publia la réponse de Dudensing à la presse : « [Dudensing] a déclaré avec un geste menaçant qu'il allait conserver tous les commentaires des critiques sur cette phase particulière de l’œuvre de Picasso, les ressortir dans dix ans et confondre les récalcitrants. »[iv]
Art News aborda la controverse sur l’exposition dans un éditorial intitulé « Abstract Art in America » :
L’actuelle exposition d'abstractions de Picasso, avec leurs variations de forme stimulantes, risque fort de marquer un tournant dans la peinture américaine. La Valentine Gallery, le terrain de lutte préféré des étudiants en art (sic), deviendra sans aucun doute un genre de champ de bataille sur lequel les questions de cette forme d'art en évolution rapide seront abordées au cours des prochaines semaines. À chaque nouvelle manifestation d'abstraction en Amérique, les factions opposées sont de plus en plus divisées. Ceux qui apprécient cette libération des formes stéréotypées de la peinture sont de plus en plus élogieux. Ceux qui préfèrent toujours les étendues tranquilles de l’art naturaliste et figuratif sont plus en colère. Qu’il y ait un vrai problème devient de plus en plus clair... Tout indique que l’art abstrait est là pour rester.[v]
Malgré la controverse, ou peut-être grâce à elle, Dudensing vendit sept tableaux de Picasso ce mois-là. Mme Richard Dudensing, la femme de son cousin, acheta une œuvre non identifiée.[vi] James Thrall Soby, auteur et critique, acheta un tableau, Mère et enfant, des années 1920, une petite œuvre (non identifiée) de l’inventaire de la galerie qui ne faisait pas partie de l’exposition.[vii] L’un des plus gros clients de la galerie, Stephen C. Clark, acquit trois tableaux, dont un de l’exposition, Guitare et compotier sur un guéridon de 1924 (Z.V,268), tandis que Sidney Janowitz (plus tard Janis) acheta un tableau non identifié.[viii] Gallatin acheta Nature morte : guitare et compotier (la mandoline), 1922 (Z.V,91) de l’exposition ; la presse annonça cette dernière acquisition effectuée par la Gallery of Living Art. [ix]
[i] “Exhibitions : Picasso’s Latest,” 17, 6 (Mars 1931), 413-4.
[ii] “The Art Season” 5, 8 (15 janvier 1931), 15.
[iii] “Abstractions by Pablo Picasso,” (11 janvier 1931), 15B
[iv] Margaret Breuning, “Picasso Abstractions,” (10 janvier 1931), 6D.
[v] Art News, 29,15 (10 janvier 1931), 14.
[vi] Les registres des ventes de la Valentine Gallery manquent d'informations essentielles telles que le titre, la date, le support et la taille, ce qui rend l’identification des œuvres extrêmement difficile. Les prix sont donc un indice important pour déterminer si une œuvre est sur toile ou sur papier. En 1931, Mme Richard Dudensing a peut-être acheté Cabines de bain, Dinard, 1929, qu'elle prêta à la rétrospective de 1936 à la Valentine Gallery. Valentine Dudensing Ledger Book, vol. II, Janvier 1926-Février 1931, p. 133. The Museum of Modern Art Archives, New York.
[vii] Valentine Dudensing Ledger Books, vol. 3 : 1930-1939, p. 150. The Museum of Modern Art Archives, New York. Mère et enfant est listé comme le tableau de Picasso que Soby a acheté le 12 janvier 1931. “Account with the Valentine Gallery, Inc.” James Thrall Soby Papers, V.D.1. The Museum of Modern Art Archives, New York.
[viii] Valentine Dudensing Ledger Books, vol. II : Janvier 1926-Février 1931, p. 133 and vol. III, 1930-1939, p. 150. The Museum of Modern Art Archives, New York.
[ix] Valentine Dudensing Ledger Books, vol. 3 : 1930-1939, p. 150. The Museum of Modern Art Archives, New York. “Two Unequivocal Abstractions,” New York Times (15 février 1931), 12X, illus; et “Gallery Notes,” The Art News (14 février, 1931), 14.