Sa réputation est désormais bien établie. Plusieurs tapisseries dont elle est à l’initiative entrent également dans la prestigieuse collection du docteur Barnes. Grâce au soutien de ce dernier, elle expose dès 1936 dans les plus grands musées américains. Le rôle de catalyseur de Marie Cuttoli est reconnu unanimement. Elle écrit : «. Tout en m’appuyant sur ces traditions anciennes dont sont imprégnés les artisans de notre pays qui fut le berceau de l’art de la tapisserie au Moyen-âge, j'ai désiré mettre cette immense richesse traditionnelle au service de l'art le plus vivant, le plus audacieux, le plus porté vers les richesses d'avant-garde ». Elle est à l'origine de la renaissance de la tapisserie. Amie des artistes, elle se fait aussi leur ardent défenseur et milite inlassablement en leur faveur en dévoilant sa collection même aux plus réticents : « Il n’y a rien à expliquer. Je vous assure que c’est admirable. Ne commencez pas par nier cette peinture : essayez de la comprendre, de la ressentir… » En confrontant les courants et les hommes, elle devient, au fil des ans, une personnalité incontournable du monde de l’art.
Elle emménage rue de Babylone en 1935, dans un appartement en duplex, très grand, qui lui permet d’accueillir les œuvres du couple. Enclave protégée des bruits de la ville, cossue et accueillante, leur demeure renferme une collection d’une richesse rare et les revues la présentent comme l’un des « hauts lieux de l’art contemporain. » Il y a là des toiles partout : l’œil va de l’une à l’autre, sollicité de toutes parts… Picasso, dont elle apprécie, plus que tout, la diversité des techniques et son trait déroutant, y est à l’honneur, dans le salon, d’abord, où La Grande Parade fait face au Nu sur fond rouge de Léger. Une autre pièce lui est entièrement dédiée. Cette même année, elle s’allie avec Jeanne Bucher, dont le talent pour découvrir de jeunes artistes lui confère une réputation sans égale. Fidèle et dévouée, elle défend les artistes dont elle aime le travail, instaurant avec eux un réel climat de confiance réciproque. Les deux femmes trouvent une jolie maison entre Duroc et Montparnasse, qu’elles vont partager avec Georges Hugnet, collagiste, poète, critique, historien du Surréalisme et du Dadaïsme, qui est également éditeur et occupe le premier étage. Il est par ailleurs le fondateur et directeur de la revue littéraire L’Usage de la parole, publiée par Cahiers d’art de décembre 1939 à avril 1940.