Un hôtel où Balzac fit ses humanités

Louis XIV voulut disposer du bien saisi mais il fallait en priorité satisfaire les créanciers du financier disparu. La prestigieuse demeure fut donc louée à l’ambassade de Venise. Jean Morsini s’y installe en 1668-1670, avec Mme de Sévigné comme illustre voisine. L’ambassade occupa l’hôtel Salé pendant une quinzaine d’années, puis la maison eut pour locataire, à partir de 1688, le duc de Villeroy, Maréchal de France et proche du roi.

La maison fut ainsi louée pendant près de soixante ans, puis les créanciers d’Aubert la mirent en vente et le premier acquéreur fut le président de la Cour des aides de Paris, Nicolas Le Camus, qui l’acheta en 1728. La mode avait changé et les grands appartements pompeux mais avec peu de confort n’étaient plus appréciés. Il fallut un an de travaux pour installer commodités, toilettes, salles de bains et poêle dans la grande salle et refaire la décoration au goût du jour. Il reste de ce temps quelques corniches et lambris d’un cabinet à décor d’instruments de jardinage. L’hôtel fut ensuite vendu à Thiroux de Chammeville puis passa à son gendre le marquis de Juigné vers 1771. En 1789, peu de temps avant la prise de la Bastille, c’est le comte de Luzerne qui l’occupait, avant de fuir deux ans plus tard.

Considéré comme bien d’émigré, l’hôtel fut alors pillé par la foule et réquisitionné par l’État pour emmagasiner les livres des couvents fermés. Puis il fut vendu en 1797 à un particulier qui, de nouveau, chercha des locataires. C’est ainsi que Balzac y fit ses humanités en 1815, au sein de l’Institut d’éducation qui l’occupait. L’écrivain garda un souvenir précis du palais qu’il évoqua à plusieurs reprises dans La Comédie humaine : « Cette maison, située entre cour et jardin, semble avoir été un caprice de bourgeois enrichi sous Louis XIV, celui d’un président au Parlement, ou la demeure d’un savant tranquille » (Honoré de Balzac, Les Petits Bourgeois, 1856).

Musée Picasso Paris, l'Hôtel Salé parJean Boullier de Bourges, Un hôtel où Balzac fit ses humanités
Pablo Picasso, Grande Nature morte au guéridon, 1931.