Picasso-Méditerranée

Quelles sont les oeuvres qui ont marqué l'artiste ? Quels sont les lieux qu'il a visités, y puisant connaissances et inspiration ? En novembre 2016, un colloque organisé à Venise par le musée national Picasso-Paris, qui s'est tenu dans le majestueux couvent aujourd'hui occupé par la Fondation Giorgio Cini, tentait de faire le point sur ce vaste sujet. Les deux discours introductifs, « dadaïste » pour Laurent Le Bon, président du musée national Picasso-Paris, et de bienvenue pour Luca Massimo Barbero, directeur de l'Istituto di Storia dell'Arte della Fondazione Giorgio Cini, ont laissé place à deux journées d'interventions, d'échanges, de questionnements et de discussions. 

Picasso regardait, retenait, s'appropriait. Il s'est profondément, intimement, intéressé à l'histoire de l'art, au sens très large du terme. Il avait l'intelligence de reconnaître le talent, même dans les plus petits objets usuels, autant qu'il admirait la maîtrise des plus grands artistes. Que ce soient des sculptures antiques, des tableaux florentins ou des maîtres espagnols, ces gestes artistiques l'ont nourri, éduqué, habité sa vie durant.

Lors de ce colloque, Luigi Gallo mettait l'accent sur l'art antique tant admiré par Picasso et que celui-ci, à l'occasion de son séjour en Italie en 1917, a pris le temps de visiter - particulièrement Pompeï, en compagnie de Leonide Massine et Jean Cocteau. À Naples comme à Rome, il a également pris soin d'observer les cultures populaires, au travers de l'artisanat et notamment celui de la marionnette. À son retour, selon son petit fils Bernard, il déclarait : « Oui, je suis allé à Rome mais je n'ai rien vu. J'ai juste pris un café en face de la gare. » Selon Bernard Picasso, cette phrase montre la frustration de l'artiste de n'avoir pu créer autant qu'il l'aurait souhaité, au vu des multiples sollicitations visuelles quotidiennes, qu'elles soient dans la rue, dans les lieux préservés ou dans les musées. Pour Luigi Gallo et Pascale Picard, Picasso a été bouleversé par ces formes artistiques « authentiques », quête qu'il poursuivra au département d'art antique du musée du Louvre. Jean-Louis Andral exposa quant à lui la scénographie des salles antiques du musée d'Antibes pensée par Romuald Dor de la Souchère, que Picasso fréquenta assidûment. 

De ce voyage en Italie, du 17 mars à la fin du mois d'avril 1917, Picasso rapporta trois toiles, avec une dimension décorative sans doute induite par l'atmosphère de la collaboration avec les Ballets russes de Diaghilev sur les décors de Parade. Mais au-delà de ces tableaux, Picasso retranscrira longtemps des mouvements, des expressions ou des impressions fugitives ressenties au fil de ses ballades. 

Ce séjour en Italie est le point de départ d'une ambitieuse manifestation, dont ce colloque a été l'occasion d'un point d'étape. À l'initiative du musée national Picasso-Paris, elle va se dérouler pendant deux ans (2017 à 2019). Soixante institutions programmeront des expositions sur Picasso, reliant, et c'est l'originalité du concept, l'oeuvre de Picasso aux collections des lieux participants. Mises en perspective, dialogues, confrontations ou nouvelles recherches, elles ont pour but de relire l'oeuvre en replaçant le travail de Picasso au coeur de l'histoire de l'art.

À Chypre, en Grèce, en France, en Italie, en Espagne et au Maroc, le programme montrera toutes les facettes de la production picassienne. Un parcours culturel inédit autour des pays de la Méditerranée montrera ainsi les spécificités du travail de l'artiste en fonction de ses lieux de vie, de ses préoccupations personnelles ou politiques et de ses rencontres aussi. 

Cette manifestation sera enfin l'occasion de regrouper les travaux de recherche et de mettre à disposition des historiens une base de données comprenant notamment des mémoires orales sur l'artiste. Cette documentation mise à jour régulièrement sera un appui solide pour les travaux ultérieurs.

Une communication et un label communs permettront de relier l'ensemble des projets qui feront l'objet d'une publication. Les informations seront disponibles tout au long de l'opération sur un site internet dédié.

La Flûte de pan, 1923 Musee national Picasso Paris