Des ventes courues par toute l’avant garde intellectuelle

A partir des ventes aux enchères de séquestre de stock de la galerie Kahnweiler, les mêmes œuvres ont été vendues dans différentes ventes aux enchères ou lors de transactions privées, dans une période relativement courte et à chaque opération, les mêmes acteurs à tour de rôle achetaient ou vendaient alors que les prix des œuvres augmentaient à chaque transaction. Breton et Eluard sont deux exemples parmi des dizaines de nouveaux collectionneurs qui essayèrent de spéculer autour des ventes Kahnweiler. Si leurs deux noms étaient connus comme enchérisseurs aux ventes de séquestre, leur rôle sur le second marché dans les années vingt a été sous-estimé jusqu'à aujourd’hui.

Ils avaient en effet une position centrale, gravitant autour des artistes, des collectionneurs et des marchands établis. Par spéculation et pour assouvir leur passion pour l’art, ils participèrent tous deux à l’émergence d’un marché pour l’art cubiste en France qui dura jusqu’à la crise de 1929. Un texte non publié, datant de décembre 1927, de Robert Desnos qui a assisté et participé aux ventes Kahnweiler résume à lui seul, ce phénomène: « Quant aux ventes Kahnweiler, c’était bien le spectacle le plus insensé qui soit. On y assistait à la naissance de cette folie de spéculation sur la peinture qui devait régner pendant plusieurs années et qui se ralentit à peine à notre époque. Tout ce qui s’appelait alors ‘l’avant garde intellectuelle’ s’y rencontrait. On y enlevait pour des sommes dérisoires (fabuleuses comparées aux prix d’avant-guerre) des tableaux qui, quelques mois plus tard devaient valoir des fortunes » (Archives Desnos, Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, Paris).

Picasso, Portrait de Daniel Henry Kahnweiler, dessin, 1957
Picasso, Kahnweiler à son bureau, photo, environ 1950